Biographie


Le récit biographique du père Charles Deckers que je livre ici est un résumé du magnifique article de Salah Selloum, ancien élève de Charles, auteur du livre “Tizi-Ouzou, ma ville natale”, 2023. Ce récit retrace la vie d'un homme profondément humain qui a su se mettre au service des autres dans une humilité et générosité sans pareilles: “Il y a des hommes et des femmes qui sont véritablement habités par le charisme de la rencontre, de la relation avec les autres. Là ou d'autres affirment leur identité propre, eux se laissent apprivoiser par le charisme de l'humanité des autres. L'essentiel était dans cette relation humaine qui rapproche et lit d'amitié les hommes entre eux.” (Hommage pu Père Emilio Platti, extrait du livre du Père Armand Duval). Un homme de religion porté par l'amitié à l'autre, dans un dévouement sincère, gratuit sans arrière-pensée dans des circonstances parfois difficiles, pénibles voire dangereuses. “Charly”, comme  l'appellent affectueusement ses confrères religieux,  est issu d'une famille nombreuse de neuf enfants, troisième de la lignée. Il est né le 26 décembre 1924 à Anvers en Belgique. Il ressent très tôt l'appel de sa vocation de missionnaire. Déjà, à l'âge de six ans, il demande un jour à sa mère, alors qu'elle lui faisait prendre son bain, à quel âge on pouvait commencer à étudier le chinois. A sa maman étonnée, il lui rétorque que c'est pour aller dans ce lointain pays sauver les pauvres chinois et devenir missionnaire. Il fréquente le collège Notre-Dame, chez les jésuites où il étudie le latin et le grec. Il a tout juste 15 ans lorsque éclate la deuxième guerre mondiale. Dynamique et altruiste, il fait beaucoup de scoutisme. Il porte en lui un sens inné du devoir envers les démunis. Charles connaît une enfance heureuse, entouré de sa famille, de l'amour des siens. Il était très lié à son frère aîné Henri qu'il aimait beaucoup. En octobre 1944, Henri qui est membre du peloton universitaire, meurt à Berendrecht en mission de reconnaissance pour les Alliés canadiens. Cette mort affecte grandement Charles Deckers. Ses études au collège terminées, il rejoint les Pères Blancs. Il entre au séminaire à Boechout où il étudie la philosophie et la religion.  Il fera son serment le 21 juillet 1949. Quelques mois plus tard, le 8 avril 1950, il est ordonné prêtre et fera sa première messe à Zandhoven.  Il voulait aller en Afrique noire mais les Pères Blancs décident de l'envoyer au Maghreb, principalement en Algérie. Il passe d'abord par Tunis où il doit t'apprendre l'arabe et étudier l'islam, cette grande religion qui fascine tant les chrétiens. Il s'initie très vite à l'arabe dialectal. Sa faculté de sociabilité lui permet de fréquenter des gens simples. “ On le voyait souvent avec les ouvriers, les jardiniers, essayons ces connaissances linguistiques toutes nouvelles. Ils croira toujours à la vertu du contact personnel, Dom à Home, plus que savoir livresque…  il ne néglige certes pas l'étude, mais privilégie les contacts humains et passe volontiers du temps autour d'une tasse de thé.”  peu de temps après, il gagne l'Algérie, ce pays baigné par le soleil de la Méditerranée, qu'il portera dans son cœur jusqu'à la fin de sa vie.  Charly avait été au début de sa mission en Algérie, en communauté, dans une maison des Pères Blancs situé dans la casbah d'alger, pour y étudier la langue arabe. Il était également aumônier d'une troupe scout. C'est en 1955 qu'il rejoint Tizi Ouzou, en pleine guerre d'algérie. Il a fallu peu de temps à Charly pour se rapprocher de la population et surtout des jeunes. Il apprend vite le berbère. En juillet 1955 il crée un foyer de jeûne où ces derniers se retrouvent pour jouer au ping-pong, ping-foot et au billard. Danse un petit bureau au niveau du Foyer, il a l'idée de le doter d'une vingtaine de machines de dactylographie.  Les administrations de l'époque étaient toutes pourvu de ces jeunes dactylographes formés par le père Deckers. Mais pour lui son pari reste l'éducation. C'était le moyen le plus sûr et le plus efficace pour aider cette jeunesse à sortir de son isolement et à s'inscrire dans le long processus de l'émancipation. Car en ce temps-là, pour la plupart les jeunes indigènes de 13-14 ans, une fois l'école primaire terminée, il se retrouvait à la rue sans perspective ni avenir. C'est ainsi qu'il eût le génie de créer la première école de formation avec des sections de comptabilité et de dessin en bâtiment. Ces centaines de jeunes comptables et de dessinateur ainsi formés constitueront plus tard l'édifice qui servira au fonctionnement de l'administration algérienne post-indépendance.  Pour les uns, ils occuperont des postes importants au sein d'entreprise économique qui seront créés par la suite. Ce sont des managers dont la compétence et l'intégrité forceront le respect point pour les autres, ce seront des bâtisseurs. Ils seront présents dans la reconstruction du pays dans l'édification des écoles, collèges, centres de santé et autres. Ce sera le père Deckers qui par son abnégation ouvrira les portes au jeunes lycéens indigènes de l'école Nationale professionnelle de Dellys. Cette prestigieuse école technique, rappelons-le, était interdite à l'époque aux élèves indigènes et réservé uniquement aux jeunes européens. Dans la foulée, et toujours mu par son idéal d'homme de charité, il crée au sein même du Foyer des Jeunes, une association d'entrée de social en faveur des pauvres qu'il dénommera “Mâaouna” (l'entraide). Dans le cadre de cette action sociale, il se fera aider par des bénévoles de l'école professionnelle pour assister les gens qui venaient de solliciter dans les démarches administratives auprès des administrations de France ou locales. Il rédigera ainsi les correspondances multiples qui sont les dossiers de retraite, les dossiers de stage, les demandes d'aide et d'assistance, des régularisations, etc… Parallèlement à cela, il s'occupait aussi de la distribution de dons au nécessiteux. En plus de ce travail harassant, il est aussi enseignant à l'école professionnelle de Tizi Ouzou où ils fonde la “Bibliothèque des Jeunes”. Il prend le temps d'enseigner l'arabe au Collège des Filles de Tadmaït, Qui était alors géré par les Sœurs Blanches. Il faut rappeler que le père Deckers à cortait beaucoup d'importance à l'éducation des jeunes filles. Au-delà des préjugés qui existaient dans une société figée dans ses traditions, n'hésitez pas à aller voir des parents pour expliquer les bienfaits et les avantages de l'école pour les filles. Beaucoup de ces jeunes filles rejoindront le lycée de Tizi Ouzou et plus tard la faculté d'alger est réussiront à devenir des cadres supérieurs et des mères accomplis. Au-delà de ce périple, énormément de préjugés trépasseront. D'après le témoignage de Mohamed Ataf,  mon ami écrivain, Charles Decker participe activement à la guerre de Libération nationale. Il  rangs et visites régulièrement aux détenus et apportait aide et assistance à leurs familles. Il a hébergé et caché des jeunes qui étaient activement recherchée par la police. Avec les jeunes, il organise des matchs de football qui ont un succès. Il devient vite populaire auprès des garçons et des filles qui ont gardé un souvenir très vif de son action parmi eux. Il savait se rendre proche. Comme il aimait le football, il avait formé une équipe, avec des jeunes du centre, l'avait habillé aux couleurs nationales:  maillot rouge, short blanc, chaussettes et numéros verts. On le voyait sur les gradins, supporter attentif, encourager son équipe.  Un Jour, c'était toujours la guerre d'indépendance, il y avait une rafle dans le stade, les militaires français envahissent l'enceinte sportive. Ils embarquent tous les présents qui durent marcher dans Tizi Ouzou, les mains en l'air. À la stupéfaction des soldats, on voit le père Charles, au milieu de tous les gens arrêtés. Il avait refusé de quitter les jeunes sportifs. Plusieurs de ces joueurs passèrent ensuite à la JSK,  un club au palmarès prestigieux dont il était un grand et fidèle supporter. Et une autre occasion à Alger, une course cycliste de professionnels ayant été organisé, Charles file siège d'un champion belge très connu en son hôtel, jusqu'à ce qu'il consenti à aller signer des autographes à se protéger, champion en herbe. À l'indépendance du pays, par solidarité avec le peuple algérien, il décide d'opter pour la nationalité algérienne, en 1963. “ Moi, je suis algérien !”  Dit-il à ses proches. On le voyait souvent faire la chaîne avec des jeunes et moins jeunes kabyle à la sous-préfecture de Tizi Ouzou pour demander le visa de quitter momentanément le pays. La Belgique n'abetant pas la double nationalité, Charles avait désormais demandé un visa à l'ambassade de Belgique à Alger pour aller voir sa famille. Parfois, cela faisait problème:  les douaniers belges s'étonnaient que ce grand blond aux yeux bleus, né à Anvers, plus de nationalité algérienne. La légende raconte qu'une fois à son retour de Belgique,  il ramena avec lui une soixantaine de couveuses de pour bébé pour en faire don à l'hôpital de Tizi Ouzou qui en avait grandement besoin. À Tizi Ouzou, il continue  inlassablement son œuvre de bienfaiteur. En 1963, il est désigné membre du 1er comité départemental du Croissant Rouge algérien. Durant une dizaine d'années, il est secrétaire du comité local du Croissant Rouge algérien aux côtés de l'illustre Si Moh El Kechaï  qui était alors président du CRA  haut niveau de la région, un homme de grande valeur humanitaire lui aussi. L'activisme humanitaire est l'immense popularité dont il jouissait auprès de la population kabyle irritaient les autorités locales.  Celle-ci ne tardaient pas à en prendre ombrage. On lui signifiait, tout d'abord, qu'il ne pouvait pas être le directeur d'une école (qu'il avait pourtant fondée) Et ce poste revenait à de vrais Algériens de souche (?). Charly continue de vaquer à d'autres occupations, il occupe toujours la maison des Pères Blancs, et ses excellents rapports avec les tiziusiens n'ont pas changé d'un iota point son immense popularité brille toujours dans le ciel serein de Tizi Ouzou. L'administration prend un peu plus ombrage de cette situation. Et le funeste verdict ne tarde pas à tomber : on lui signifiait que ses activités dépassaient le cadre de ses fonctions.